Vendredi 1er décembre
« Que tous les dieux me conservent, jusqu’à l’heure où disparaîtra mon aspect actuel, la notion claire, la notion solaire de la réalité extérieure, l’instinct de mon inimportance, le réconfort d’être si petit et de pouvoir penser à être heureux. »
Fernando Pessoa
Dormi, peut-être pour la dernière fois, dans l’appartement maintenant désert, où j’ai passé mon enfance. Plus que des fantômes autour de moi, mon père vient d’y passer sa dernière nuit sans le savoir, ma mère est morte voilà trois ans. Je me lève plusieurs fois pour regarder tomber la neige, la même que celle de mon enfance quand nous partions pour l’école. Les fantômes m’accompagnent dans toutes les pièces puis, lassés sans doute, finissent par me laisser dormir.
Je laisse la neige derrière moi avec regret, il ne me plaît pas qu’elle reste et que je parte. Encore quelques tâches claires que mes yeux cherchent au creux des chemins, un pan de colline blanc éclairé par le soleil et resté curieusement préservé, puis plus rien. La rouille des bois, le gris du bitume et le vert attendu des prés. Retour en plaine.